Les émotions, ni plus ni moins que l’ennemi public n°1 au travail ! Nous serions priés de laisser ces vilaines sensibleries sur le pas-de-porte et endosser notre costume de « super-collaborateur super-efficace super-productif» pour la journée. Alors dans un tel système, quelle place pour les émotions au travail ? Dans un cadre aussi restrictif, effectivement, elle est mince. Mais croire qu’un environnement professionnel dépourvu d’espace d’expression des émotions est viable sur le long terme est illusoire. Aujourd’hui, déconstruisons ensemble 3 fausses croyances à propos des émotions au travail…

1. Les émotions au travail sont un frein à la productivité

Commençons par le gros dossier : la fameuse productivité, calculée, surveillée et bizarrement… rarement suffisante.

Quand pour certains cet objectif de productivité est un moteur (ce qu’on appelle communément le « bon stress ») pour d’autres c’est une autre histoire. Colère, peur voire angoisse de ne pas être à la hauteur, fatigue et désintérêt chronique face au travail sont autant d’émotions qui ressurgissent chez certains collaborateurs. Peut-être même en vous ?

Vu de la sorte, ces émotions désagréables ne sauraient être autre chose qu’un frein au travail.

Je ne le vois pas ainsi.

Ce qui pose problème avec ces émotions au travail, ce n’est pas qu’elles existent. C’est la façon dont elles sont accueillies.

Prenons deux cas de figure :

  1. Une équipe où on « interdit » l’expression des émotions
  2. Une équipe où on leur laisse la place de s’exprimer

Dans le premier cas, les collaborateurs qui vivent mal cette injonction à la productivité permanente vont taire leurs émotions. Ils vont endosser un rôle pour la journée : le super-collaborateur. En façade, ils portent leur masque professionnel et avancent autant que faire se peut dans leurs tâches quotidiennes. Mais en coulisses, les angoisses prennent de plus en plus de place puisqu’elles n’ont pas d’endroit où s’exprimer. Ces collaborateurs vivent des journées éprouvantes : ils doivent réaliser leurs objectifs tout en combattant leurs peurs, sans jamais le laisser paraître. Pourront-ils continuer ainsi longtemps, pour le bien de leur santé ? 

Dans le deuxième cas, les collaborateurs peuvent s’exprimer auprès de leur hiérarchie pour adapter la charge de travail. Et cela de manière tout à fait professionnelle. Dans ce contexte, le collaborateur peut partager le problème sans se laisser ronger, ce qui le libère d’une charge mentale qu’il pourra octroyer à d’autres projets au travail.

À votre avis, quelle équipe sera la plus productive ?

2. Être émotif au travail est un aveu de faiblesse

La sensibilité, l’émotivité… C’est encore mal perçu aujourd’hui au travail. Et quelle erreur !

Le monde du travail aurait tendance à glorifier les profils logiques et scientifiques, ancrés dans les chiffres et les faits tangibles. L’étude des statistiques pour identifier des tendances et anticiper les réponses de l’entreprise est bien sûr indispensable à la pérennité de celle-ci.

Mais pourquoi se priver des collaborateurs à l’intelligence émotionnelle développée ?

Non seulement, ils comprennent leurs propres sentiments mais en plus ils perçoivent rapidement les émotions de leurs collègues. Observateurs, ils identifient les changements d’expression corporelle ou verbale. Ils peuvent entendre les collaborateurs qui gèrent difficilement leurs émotions au travail et leur permettre de surpasser certains moments angoissants.

En bref, être en prise avec ses émotions, même au travail, bien loin d’être une faiblesse est une richesse pour l’entreprise.

Les personnes avec une intelligence émotionnelle importante permettent à chacun d’être authentique au travail et d’oser s’exprimer. Ils participent à la cohésion d’équipe et permettent de fédérer autour de projets. Encore faut-il leur laisser l’occasion de dévoiler leur profil et leurs compétences humaines !

Les émotions ont toute leur place dans les échanges professionnels.

3. Les émotions n’ont pas leur place dans les échanges professionnels

« D’accord Patricia, les émotions c’est bien beau mais nous sommes au travail, pas chez le psy ! Je viens pour bosser et c’est tout ! Et j’attends la même chose de mon équipe. »

  1. Pourtant, agir et parler comme des robots à vos collaborateurs ou à vos prestataires ne vous assure qu’une chose : froideur et manque de confiance. Rassurez-vous : il y a un juste milieu entre familiarité et professionnalisme.

Pour autant, croire qu’en s’exprimant froidement, les échanges sont plus professionnels : c’est une fausse croyance.

Incorporer un peu de chaleur humaine lors de vos discussions avec vos collègues et les prestataires avec lesquels vous travaillez régulièrement, c’est une façon de créer du lien. C’est aussi une façon de développer un réseau solide pour vous-même, certes, mais également pour avancer dans les projets de l’équipe.

Quelqu’un avec qui vous aurez pris le temps de vous lier sera plus enclin à vous venir en aide ou à participer à un brainstorming impromptu à 18h. Cette confiance que vous cultivez, c’est un pilier pour la vie professionnelle de l’équipe. Cette place laissée aux émotions au travail participe à la cohésion d’équipe et invite vos collaborateurs à s’investir.

Alors, n’ayez pas peur des échanges humains et chaleureux au travail : ils pourraient bien être salvateurs pour votre quotidien professionnel.

Comment développer un terrain propice à l’expression des émotions au travail ?

Dans la pratique, comment laisser la place aux émotions au travail ?

Lors de mes ateliers de communication bienveillante pour améliorer les relations personnelles que j’anime en entreprise, j’apprends aux participants les bases de la CNV (la communication non violente). Elle se développe en 4 phases :

  1. Quelle est la situation ?
  2. Quelles émotions cette situation vous fait ressentir?
  3. Quel besoin insatisfait se cache derrière elles ?
  4. Je formule une demande visant à améliorer la situation initiale.

Prenons un exemple concret.

« Nous avions établi cet objectif pour ce mois-ci, mais compte tenu des autres projets dans lesquels je suis investie et de mon exigence de qualité, il me paraît difficilement atteignable. Pouvons-nous définir un objectif plus réalisable pour la fin du mois ? ».

  1. Je ne parviendrai pas à mener de front tous mes projets alors cet objectif m’est impossible si je veux le faire correctement.
  2. J’ai peur de ne pas être à la hauteur de toutes ces attentes et j’ai peur de mettre à mal ma légitimité professionnelle en présentant un projet brouillon et inégal, comparé à mon habitude.
  3. J’ai besoin qu’on sache que je ne déroge pas à la qualité dans mon travail : on peut compter sur moi pour donner le meilleur. J’ai besoin de plus de temps pour atteindre l’objectif initial.
  4. La demande n’est autre que celle indiquée plus tôt : « Pouvons-nous définir un objectif plus réalisable pour la fin du mois ? ».

Si vous souhaitez être épaulé pour intégrer la CNV dans votre équipe et améliorer les relations interpersonnelles, je vous invite à me contacter si vous souhaitez plus de renseignements sur ces ateliers en entreprise.

Enfin convaincu que les émotions au travail sont un atout pour votre équipe ? Ou bien avez-vous encore quelques réticences à le croire ? Si vous avez d’autres croyances sur la place des émotions au travail, je serai ravie d’en discuter en commentaires ensemble.